N’habite plus à l’adresse indiquée

En raison d’incompatibilité d’humeur entre mon éditeur de contenu web (WordPress) et Free, j’ai pris mes cliques, mes claques, et je suis allé poser tout ça un peu plus loin.

Désormais, vous me trouverez sur DrFoulard.fr (avec un vrai nom de domaine à moi, hé hé hé, la classe)

Au plaisir de vous y retrouver

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Je suis venu avant que ça tombe sur les bronches

Avec le temps, j’ai appris à faire preuve de compréhension et à être indulgent.

Aux urgences surtout.

Déjà, d’une, c’est sacrement plus productif que d’attaquer les gens bille en tête parce qu’ils viennent pour une rhinopharyngite un dimanche où la durée d’attente est déjà de 7 heures en fin de matinée. Ou bien parce qu’ils ont un kyste au derrière qui traînent depuis un an et que, « quand même, vous comprenez docteur, ça s’en va pas et même mon médecin traitant il a fait un mot pour que je vienne ». En l’occurrence, pour ce patient, le mot du médecin traitant datait lui aussi d’un an, et il adressait le patient en consultation de chirurgie, et surtout pas aux urgences. D’ailleurs, sur ce coup là, je ne me souviens pas avoir été très patient …

Et puis, je suis un doux rêveur qui croit que si les gens débarquent à 23h un dimanche soir pour une toux qui évolue depuis 5 jours, ça ne peut pas être parce qu’ils avaient autre chose à faire de leur week-end. Ni qu’ils ont attendu d’être revenus de chez mamie pour s’arrêter aux urgences parce que c’est sur la route du retour (le pire, c’est qu’un jour, on m’a vraiment répondu ça quand j’ai demandé pourquoi venir à cette heure là. Ou alors, le gars se foutait de ma gueule avec aplomb…).

Si je suis comme ça, je le dois en grande partie à ma bienveillante de mère. C’est en troisième année de médecine, lors de mes premières gardes aux urgences que j’ai constaté que les gens pouvaient effectivement venir à 3h du matin car ils toussaient depuis 3 semaines. Je revenais dépité et faisais part de mon désarroi à ma mère. Laquelle me faisait valoir que s’ils venaient à 3 h du matin, c’est parce qu’ils étaient inquiets et que l’inquiétude ça ne se contrôle pas. Parole d’évangile, gravée dans le marbre. Depuis, si les gens viennent, c’est pour une bonne raison, merci maman.

Alors, ceux qui viennent aux urgences pour une rhinopharyngite qui leur fait peur, « des fois que ça tombe sur les bronches », « je suis venu avant que ça s’aggrave », je leur sort le grand jeu. Auscultation pulmonaire avec moult commentaires : « c’est parfait », « rien dans les bronches », « pas l’ombre d’une infection dans les poumons ». Même si au premier coup d’œil en entrant dans le box de consultation, ça se voit tout de suite que le petit monsieur avec son grand sourire, en pleine conversation avec sa femme, il n’a pas l’air d’être au bord de la pneumonie foudroyante. Je suis de bonne humeur, j’écoute aussi le cœur, je papouille le bide ça fait plus pro (oui parce que quand on donne l’air d’avoir 18 piges, c’est avec ce genre de détails qu’on s’accroche la confiance du gars qu’on fera sortir avec sa pilule de paracétamol et sans antibiotique). Des fois, même, quand je vois que les négociations, ça ne va pas être du gâteau, je leur sors les trucs de vieux docteur. Genre « dites trente-trois », les deux mains posés sur le thorax, l’air inspiré. Croyez moi, ça fait son effet.

Et puis, au bout du troisième ou quatrième, la rhino vue 3 heures après le début des symptômes, ça commence à être lassant. D’autant qu’on a toujours pas mangé, qu’il est 15h, que les chefs qui bossent avec vous se gratouillent le nombril et que ça leur est bien égal que la salle d’attente déborde de partout, car eux, ce soir, à 18h30 ils lèveront le camp, Beyrouth ou pas aux urgences.

Du coup, la patience s’étiole. On va à l’essentiel.

Mal aux oreilles ? Tympans : RAS. Prenez du paracétamol. Non, pas besoin d’antibio c’est viral, si si je vous assure, ça va passer tout seul, si ça va pas mieux dans 3 jours revenez.

Mal à la gorge ? Faites ahhhhh, pas de fièvre. Prenez du paracétamol. Non, pas d’antibio c’est viral au revoir.

Vous toussez ? Auscultation normale, pas de fièvre, prenez du paracétamol. Non, pas d’antibio. Pourquoi ? Parce que c’est comme ça.

Nez qui coule ? Prenez du paracétamol. Vous voulez des antibiotiques ? OK, rien à foutre après tout…

Désolé maman.

Mais si personne ne nous ménage, il ne faut pas non plus s’attendre à ce que l’on soit d’une patience d’ange. Et l’éducation des patients, ça n’est pas aux urgences qu’on la fera. Alors, on limite la casse. Quand on peut prendre le temps, généralement, on le prend. Et quand on vous reçoit en tirant légèrement (ou carrément) une tronche de dix pieds de long, ce n’est pas qu’on n’aime pas notre boulot, ou qu’on préfèrerait être ailleurs. Parce que, globalement, on a le choix en fait, et si on est là, c’est qu’on l’a voulu et que ça nous plait. C’est juste qu’on est comme tout le monde, et qu’au bout d’un certain nombre d’heures, ou aimerait bien que celui ou celle qui est en face de nous fasse lui aussi preuve d’un peu de compréhension ou de compassion. Et qu’il se pose la question : ai-je besoin d’aller aux urgences à 5 heures du matin parce que quand je tousse, ça brule au milieu, là, juste sous le sternum ?

Comme ça, on pourrait peut-être trouver un terrain d’entente.

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Elle arrive pas à dormir…

Il est 8h45 quand j’arrive aux urgences. La relève se fait à 9h. Un passage par la chambre de garde pour poser mon sac, me changer et c’est parti pour 24 heures.
Je suis interne de médecine générale en dernière année d’étude (si tout va bien… car pour ma thèse, j’avance, mais pas si vite que ça). J’ai déjà fait un semestre de stage aux urgences d’un CHU parisien (comprenez un stage dans la cour des miracles d’une usine hospitalière), et pour des raisons pratiques, je fais de nouveau un semestre aux urgences. Mais ce coup-ci, j’ai choisi un petit hôpital francilien assez éloigné. L’ambiance y est plus détendue, la charge de travail moins lourde et surtout la gestion du temps de présence intéressante : nous ne faisons que des journées de 24 heures. Certes c’est long 24 heures, et deux fois par semaine, ça revient assez vite, mais ça dégage pas mal de temps libre pour les autres activités.
Ce matin, il n’y a qu’une seule patiente non encore vue. Les médecins qui sortaient de garde ont probablement jugé que ça pouvait attendre la relève. L’infirmière qui l’a installée dans un box de consultation m’explique que c’est une petite mamie qui vient car elle n’arrivait pas à dormir. Présenté comme ça, c’est vrai qu’on serait tenté de se demander pourquoi elle vient nous emmerder un dimanche matin pour si peu, sachant surtout qu’on pourra probablement pas y faire grand chose. Mais je me suis rendu compte qu’il fallait souvent se méfier des motifs de consultation rapportés par un tiers. Entre les patients étiquetés « gastro » qu’on laisse en salle d’attente, qu’on voit en dernier et qui ont une authentique appendicite et qui douillent depuis 4 heures sans anti douleurs, et les éruptions cutanées qui sont en fait des varicelles et qui sont restées à attendre en salle d’attente avec toutes les jeunes femmes possiblement enceintes des urgences gynéco, les nourrissons des urgences pédiatriques qui attendent leur tour dans la salle d’attente qui est commune avec celle des urgences adultes, j’ai appris qu’il fallait attendre d’avoir le patient en face de soi avant de se dire que c’est un gros relou qui a rien compris aux systèmes des urgences hospitalières.
Bref, je vais voir ma « petite mamie » qui attend sagement sur son brancard. Et elle m’apprend que oui, elle a du mal à dormir. Mais pas depuis si longtemps que ça en fait. C’est depuis que son fils de 58 ans a eu un accident de voiture lors d’un voyage en Afrique et qu’il est resté dans le coma pendant plusieurs jours. Alors elle se fait du soucis pour lui. Même si maintenant il va bien, elle a quand même un peu peur de le perdre. Elle a bien un autre fils, celui qui habite aussi dans le coin, mais lui, c’est pas pareil, elle ne le voit plus car elle ne s’entend pas avec sa belle-fille. Alors elle n’a que lui qui lui rende visite. Et puis, il y a toutes ces douleurs. Aux genoux, aux hanches, au ventre. Cette constipation, et puis aussi cette diarrhée, et mes vertiges, “et tout fout le camp à mon âge vous verrez”.
Alors on a pas mal discuté. De son fils, de l’inquiétude qu’elle avait, pour lui, pour elle-même aussi. L’inquiétude de le perdre. La peur qu’il lui arrive quelque chose à elle, et qu’elle ait à le déranger lui, alors qu’il sort de son accident et que ce n’est plus aussi facile. D’ailleurs elle a même demandé une téléalarme dont elle porte le boitier d’alerte autours du cou, comme ça s’il lui arrive quelque chose, elle ne dérangera personne, ni lui, ni son autre fils qu’elle ne voit plus et dont la femme ne verrait pas d’un bon œil d’être appelée à une heure du matin parce qu’elle s’est pris les pieds dans le tapis en allant aux toilettes.
Alors, qui irait lui dire qu’elle est venue nous casser les pieds aux urgences, elle qui a si peur de se retrouver abandonnée de son fils et qui n’ose déranger personne.
C’est ce que je me dis ce matin après l’avoir écouté. Mais il est 9h, et je prends seulement mon service. Pas sûr que si elle était venue en pleine nuit pour le même motif je l’aurai écoutée avant de l’envoyer paître en lui disant que ça n’est pas un motif de consultation aux urgences. Car j’ai dû en renvoyer quelques uns se faire voir ailleurs. Des qui venaient juste pour parler un peu, pour avoir une oreille qui entende leurs craintes et leurs angoisses. Des gens qui venaient avec une douleur à la con qui ressemblait à rien mais qui avaient juste la peur au ventre.
Elle est repartie chez elle ma petite mamie, sur son brancard (oui parce qu’aux urgences, on arrive pas à avoir un VSL – véhicule sanitaire léger qui coute moins cher à la sécu mais qui rapporte moins à la compagnie d’ambulance -, on n’a que des ambulances, donc même si vous venez pour une poignet cassé, vous repartirez en ambulance, saucissonné sur un brancard). Elle était contente et elle m’avait trouvé bien gentil comme jeune docteur.
Ca ma fait plaisir qu’elle m’ait trouvé gentil, et surtout ça a flatté mon égo qu’elle m’ait appelé docteur alors que je suis juste médecin, interne et pas encore thésé donc pas encore docteur. Mais ça m’a fait aussi un peu honte en me rappelant tous ceux que j’avais envoyé chier parce que je n’avais pas envie/le courage/le temps/suffisamment dormi.
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